Un(e) élève exprime l’idée que les proches des terroristes devraient les dénoncer. D’autres réagissent en disant que « ça ne se fait pas », que « quand on fait ça on est une balance ». Comment réagir ?
Que ce soit pour une simple dégradation ou pour des situations plus graves, ce schéma, assez fréquent, est clairement lié à une des lois de la rue : « On ne balance pas ! » Cette loi garantit la confiance dans le groupe, la solidarité qui fait qu’on s’y sent en sécurité. Cet attachement à la loi du quartier témoigne en même temps d’un manque de confiance dans celle de l’État. En effet, beaucoup de jeunes ressentent de l’injustice face au système mis en place ; selon eux, la Justice n’est pas bienveillante. C’est ce qui fait que, d’une certaine manière, la méfiance dont ce comportement témoigne est liée à un sentiment d’injustice sociale, à l’idée que, en justice, les jeunes du quartier ne seront jamais vraiment favorisés.
Dans la société comme à l’école, faire confiance à l’institution ?
À l’école, ce mécanisme d’opposition entre les jeunes et l’institution est souvent renforcé par le cadre : les élèves d’un côté, les adultes de l’autre. Et, plus le type d’enseignement est frontal, plus ce mécanisme est accentué. C’est pour cette raison que, même s’il s’agit de terrorisme, la question de « balancer » traite toujours en même temps implicitement des relations entre jeunes et adultes à l’école. C’est un élément à prendre en compte dans la gestion des discussions. Il faudra notamment apparaître le moins possible comme celui ou celle « défendant le camp des adultes » et finalement cherchant tout simplement à « affaiblir celui des jeunes ».
Dans une école ou une institution, la plupart du temps cette tension est présente mais sans être discutée avec les adultes. Lorsque la discussion émerge en votre présence, c’est par conséquent une réelle opportunité à saisir pour y réfléchir, pour leur permettre de naviguer entre des principes importants mais qui peuvent être en concurrence : la solidarité dans un groupe d’amis, l’honneur, la justice, l’assistance à personne en danger, le droit à la vie. Que ce soit à court ou long terme, aider les jeunes à prendre en considération simultanément tous ces principes est un enjeu important.
Agir sans trahir
Un troisième challenge est enfin de montrer que cette question est une sorte de faux dilemme. Plutôt que d’être solidaire d’un côté ou de trahir de l’autre, il est en fait quasi toujours possible de faire pression sur les coupables pour qu’eux-mêmes assument. Il est quasi toujours possible d’aller d’abord vers eux en leur laissant l’opportunité de réagir les premiers.
À court terme, nourrir la réflexion
Comme il s’agit d’un sujet mobilisant de nombreuses valeurs, il peut être utile de réagir à court terme en invitant les jeunes à construire ensemble un tableau reprenant les arguments pour et contre, ou à leur demander de le faire en petits groupes si on sent qu’il y a des mécanismes de « bande » dans la classe (Annexe 4). Dans cette situation, il est aussi utile de recourir à la maïeutique (Annexe 7) pour aider les jeunes à exprimer les principes auxquels ils se réfèrent dans leurs arguments et pour les aider à percevoir que ces principes rentrent en tension avec d’autres. Dans votre gestion des débats, il est très important que vous reconnaissiez pleinement l’importance de la solidarité, de l’honneur, de l’attachement au groupe. L’enjeu n’est pas de diminuer leur importance, mais de les mettre en perspective avec d’autres principes en présence.
À moyen terme, approfondir les notions et enjeux
À moyen terme, ce sujet mérite vraiment un détour par les principes de droits qui sont ici engagés : l’assistance à personne en danger, le droit au silence, la complicité active et passive, le droit à la vie et à l’intégrité physique… Par rapport à ces principes, le travail vise autant à bien les comprendre qu’à voir, selon les situations, lesquels sont prioritaires. En particulier, il est important de faire comprendre aux jeunes que la délation n’a pas le même enjeu s’il s’agit d’un ami qui a brossé que si ce sont des vies qui sont en jeu.
À moyen terme toujours, il est aussi important d’attirer l’attention des jeunes sur les victimes. En partant de témoignages virtuels ou réels, il est possible de développer leur sensibilité par rapport aux souffrances qui sont en jeu.
À long terme, nourrir les projets de collaboration
À long terme, l’idéal est de privilégier tous les projets qui vous permettent de collaborer avec les élèves. Comme, fondamentalement, c’est la relation à l’institution dont il est ici question, plus vous êtes « avec eux », plus vous leur donnez de chances de remettre en question leur relation. C’est pour cette raison que, si vous êtes dans un contexte où ces comportements sont nombreux, il sera probablement encore plus opportun que d’habitude de travailler la délégation des élèves, le conseil de coopération en classe, le conseil d’école… tous les outils qui permettent de construire un « nous » parasitant les barrières entre jeunes et adultes, entre jeunes et institution.
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Ressources spécifiques dans ce guide
Pour jouter ou en débattre autrement (voir Annexe 9)
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