C’est une question de système : l’éducation est chez nous très souvent conçue comme un travail presté par un individu adulte auprès de groupes de jeunes. Cette situation est liée à des questions de moyens : multiplier le nombre d’adultes par groupe revient forcément à multiplier les coûts. Elle est aussi liée à une image de l’enseignant comme celle d’un « maître » apportant des savoirs et connaissances intellectuelles à des élèves contents de les recevoir. Elle amène surtout un cadre de travail et des défis aux conséquences importantes sur la gestion des débats en classe. Le premier enjeu est de dépasser la situation frontale d’un adulte seul face à un groupe d’élèves. Le second est d’arriver à faire groupe entre adultes alors que tout contribue à se comporter comme des indépendants. Le troisième est de montrer l’exemple du débat ou de la coopération alors qu’on est a priori seul dans la prestation.
Faire équipe malgré l’isolement
Ces enjeux sont compliqués autant qu’importants parce que, face aux débats polarisants tout comme face à de nombreux enjeux collectifs rencontrés avec les jeunes, c’est en équipe que les meilleures solutions sont construites. C’est le cas pour toutes les tensions relationnelles, en particulier pour les questions de harcèlement. Mais c’est aussi le cas pour toutes les questions qui nécessitent du décentrement.
Ces enjeux constituent enfin une sorte de mise en abîme du contenu de ce guide, toutes les fiches pouvant en effet être utilisées avec les jeunes tout comme avec les collègues de travail, dans le but de cultiver l’art du débat constructif à tous les niveaux.
Faire équipe avec les élèves
La première option est toute simple. S’il faut apprendre à faire équipe pour sortir de l’impasse, les premiers collaborateurs sont les élèves présents. C’est l’objectif de toutes les pédagogies actives que de mettre davantage les jeunes dans des positions de partenaires, d’acteurs impliqués. En matière de discussion en classe, la pratique du cercle de coopération ainsi que de la politique du grand frère (ou de la grande sœur) sont particulièrement indiquées (voir ressources ci-dessous).
Ouvrir la classe et l’école
La seconde option est d’ouvrir sa classe à des acteurs extérieurs. Cela peut se passer de deux manières : en invitant des personnes extérieures à venir témoigner dans l’enceinte de l’école, ou en se déplaçant avec le groupe pour aller les rencontrer sur leur lieu d’action. Dans un cas comme dans l’autre, cela suppose souvent de s’accommoder de certaines contraintes organisationnelles, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Le message implicite est très fort, permettant aux jeunes de comprendre que, même seul, c’est à une société que vous voulez les ouvrir, avec tout ce que cela comporte de relations, de curiosité, d’ouverture, de remise en question.
Liée à la seconde option, il y a ensuite tous les projets de partenariats avec le monde associatif. Une des particularités de notre système est d’avoir un tissu associatif dense, varié et plus que disponible pour mener des projets sur à peu près tous les thèmes imaginables. Les ressources disponibles dans les fiches de ce guide vous en proposent toute une série, mais il faut savoir qu’il y en a bien d’autres.
Faire équipe avec les collègues
Et puis, le plus important est certainement d’apprendre ou de réapprendre à faire équipe entre collègues d’une même entité. Pour éduquer, on est plus fort ensemble lorsqu’on arrive à se parler et à dessiner ensemble les contours d’une action collective. Cette manière de procéder suppose de prévoir des moments réguliers pour travailler ensemble. Cela suppose donc d’identifier des plages horaires (ou de construire les horaires) pour se voir, échanger, faire équipe et imaginer des solutions concertées. Dans le monde de l’école, il faut noter que ces réunions peuvent bien sûr réunir différents enseignants, mais qu’elles sont encore plus puissantes lorsqu’elles mettent autour de la table des profils variés tels que des profs, des éducateurs, des directeurs, des assistants sociaux, des médiateurs, des coaches, des responsables disciplinaires…
Pourquoi ne pas donner cours ensemble ?
Dernière option enfin : donner cours ensemble. De manière plus ou moins régulière, en fonction des disponibilités des grands locaux ou de la capacité des jeunes à se « serrer », la pratique de la leçon ou de l’animation à deux regorge de qualités pour mettre en mouvement les jeunes, pour guider en même temps que d’observer, pour être complémentaires et en montrer l’exemple, pour illustrer le dialogue et la coopération à viser.
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