Lors d’une discussion, un(e) élève explique qu’il/elle veut faire son djihad et ponctue sa phrase en disant « Allahu Akbar ! »
Il y a, dans cette situation, un double challenge. Il faut, d’une part, réagir à ce qui a tout l’air d’être de la provocation puisque l’élève sait probablement très bien l’effet qu’ont en général ces deux expressions. D’autre part, il s’agit d’évaluer, derrière la façade de ces mots, s’il y a de réelles inquiétudes à avoir concernant les positions de ce(tte) jeune.
En cas d’urgence
Si vous percevez un danger imminent, il va de soi qu’il faut tout de suite appeler de l’aide. En concertation avec votre direction, contactez alors les Équipes mobiles (numéro d’urgence – 0473/94 84 11), expliquez-leur la situation et voyez avec elles ce qu’il y a lieu de mettre en place au plus vite. Vous pouvez également appeler le CAPREV, service de la police fédérale qui prend en charge les situations d’extrémisme violent (numéro d’urgence – 0800/111.72).
À court terme, accueillir pour mieux cerner
Ceci dit, si la situation ressemble davantage à l’exemple ci-dessus, il est beaucoup plus probable d’être en face d’un jeune cherchant à vous faire réagir émotionnellement. En général, ces phrases sont en effet exprimées pour provoquer la peur et elles y parviennent souvent. À l’inverse, l’idéal est d’arriver à répondre en esquivant l’attaque de manière à ce que le jeune comprenne que sa tentative n’a pas fait mouche.
Par rapport à l’invective émotionnelle de ces deux expressions, il est aussi possible de rebondir en proposant une analyse linguistique. Peu de gens le savent mais, au sens propre des termes, « Allahu akbar » et « djihad » n’ont pas cette signification forcément violente ou guerrière. La première expression veut dire « Dieu est grand » et va donc de soi pour un croyant. Le second terme veut dire « effort » (dans le sens de la religion) et désigne le dépassement nécessaire pour qu’un musulman parvienne à suivre les principes de l’Islam. Selon de nombreux exégètes, le fait que ce dépassement devienne un effort armé dépend d’un contexte de guerre très particulier.
Au regard du sens profond des mots, c’est donc une vraie tragédie que l’histoire politique de l’Islam ait mis en avant la notion de djihad comme une sorte de « drapeau de guerre » au nom de la religion. Il n’est pas moins regrettable que les médias occidentaux aient diffusé à grande échelle cette même idée : se battre pour l’Islam serait synonyme de prendre les armes. Quant à « Allahu akbar », l’effet que l’expression déclenche est un peu surréaliste. Alors que les mots sont prononcés tous les jours en prière par des centaines de millions de musulmans, ils ont réussi simultanément à devenir une sorte de cris de guerre terroriste aux oreilles de tellement d’Occidentaux.
En réaction à ce paradoxe, il est donc intéressant de profiter de la situation pour amener une clarification de vocabulaire permettant de réhabiliter ces concepts tout en effritant la portée belliqueuse que trop de personnes veulent donner à ces mots (voir ressources).
Quelle que soit votre réaction à chaud, il est important de se demander quelles étaient les intentions du jeune en prononçant ces mots. A cette fin, il est fondamental d’avoir observé son non verbal suite à votre réaction : était-il étonné, déstabilisé, blessé par la remise en question ?… Il est également opportun de le voir en tête-à-tête pour discuter avec lui de ses intentions et des problèmes que peut amener cette manière de s’exprimer. Si, après discussion, vous êtes toujours inquiet, tout dépend de la mesure de cette inquiétude. En cas de danger important et imminent, adressez-vous aux équipes mobiles ou au CAPREV (voir ci-dessus et ressources).
À moyen et long terme, approfondir et relier
Si votre inquiétude est moindre, à moyen terme, n’hésitez pas à en parler avec des collègues pour réfléchir à une solution constructive ensemble (voir annexe 16) ou bien à contacter certains services d’urgence comme le CREA (voir ressources). Au moment de passer la main, veillez toutefois à bien mesurer les enjeux de cette situation (voir annexe 17).
Si vous n’avez pas pu le faire directement, le moyen terme est aussi un bon timing pour réaborder les notions de « djihad » et de « Allahu akbar » évoquées plus haut. Quelles que soient les suites avec l’élève impliqué, ce travail est important pour l’ensemble du groupe.
À moyen et long terme, beaucoup de projets sont possibles pour travailler, soit la perception de l’Islam, soit les enjeux intégristes dans de multiples religions et idéologies, soit les éléments de notre société qui posent problème aux élèves, soit encore l’image que le groupe a des mouvements intégristes et de la peur qu’ils génèrent. Si l’enjeu est de raccrocher certains jeunes du groupe à nos valeurs démocratiques, l’important ne sera pas forcément de les convaincre frontalement. Il est beaucoup plus efficace, à long terme, de réellement cultiver avec eux le débat ainsi que de leur faire expérimenter concrètement les avantages des principes démocratiques et citoyens.
https ://theatredeliege.be/wp-content/uploads/2014/11/Dossier_LettresaNour.pdf
http ://francopol.org/uploads/tx_news/2019-07-26_CF2R_VocIslam.pdf
Ressources spécifiques dans ce guide
Pour jouter ou en débattre autrement (voir Annexe 9)
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